Une énorme mascarade - Bénédicte Soula

Publié le 15 Décembre 2021

Une énorme mascarade

 

 

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

De nouveau du distanciel dans certaines écoles, de nouveau le masque sur nos sourires, de nouveau des fermetures de lieux de convivialité, de nouveau des spectacles et des concerts annulés, de nouveau des gens qui ont peur d’attraper la chose et de nouveau la menace du confinement : peut-on enfin admettre que le pass sanitaire était, dès le début, une énorme mascarade (j’essaie de rester polie).

Si on regarde la réalité en face, dans notre pays : des gens (dont on peut toujours discuter les convictions) ont perdu leur emploi, partiellement ou entièrement, d’autres sont caparaçonnés chez eux parce qu’ils ne sont plus autorisés à rien, créant une nouvelle société des invisibles ; la moindre des choses serait qu’en face la mesure adoptée soit efficace. Or, au mieux, on a gagné trois mois sur la nouvelle vague, les plans blancs, les fermetures. « C’est toujours trois mois de pris », diront les épicuriens dont je suis depuis toujours, mais là, ça coince quand même un peu.

Je précise que je suis vaccinée. Je ne le dis pas pour me dédouaner de quelque chose, encore moins pour donner une insupportable leçon de civisme, mais pour faire comprendre que je ne parle pas de moi-même, ni pour moi-même : je vais où je veux depuis des mois.

À l’heure actuelle, on ne peut pas pointer du doigt les non-vaccinés quant au regain du virus (la mesure aura eu au moins cette vertu d’empêcher qu’on leur impute, un peu facilement, la responsabilité de cette 5e vague). Mieux, on en arrive à cette situation ionescienne, où dans les rassemblements, les vaccinés, plus nombreux, se sentent davantage en sécurité en compagnie d’un non-vacciné qui présente son test antigénique négatif pondu dans l’heure qu’entre eux libres de batifoler dans les clusters… Ça pose un problème d’abord purement de raison. Et aussi de conscience.

Cet article, j’insiste, ne concerne pas l’utilité ou non du vaccin, j’ai dès le début admis mon incompétence en question de médecine (je fais confiance, et je crois encore en la vertu modératrice du vaccin contre le virus) mais bien ce système de contrôle sanitaire qui n’en est pas un, qui a mobilisé beaucoup de moyens et d’énergie, qui a suscité bien des résistances et des controverses, pour un résultat risible, voire extraordinairement ironique. Qui ridiculise le slogan « Tous vaccinés, tous protégés » (souvent la sagesse est dans la mesure, pas dans les gasconnades d’une publicité). Et qui a créé plus de dissensions dans le pays qu’elle n’a apporté de solutions.

Et donc, je persiste et je signe : discriminant, inopérant, clientéliste voire irresponsable, “le pass sanitaire d’activité” est une erreur de l’histoire.

Pour moi, la campagne vaccinale devait s’appuyer sur les généralistes, les médecins de famille ; leur donner l’occasion de renouer une vraie relation de confiance avec leurs patients : de se réinventer un peu aussi, comme on l’a demandé aux artistes, dans une approche encore plus humaniste de leur métier… Mais c’est tout le contraire que souhaitent les forces du néolibéralisme en marche, ou plutôt en course. Triste.

 

Bénédicte Soula, fondatrice et rédactrice en chef
du magazine culturel le Brigadier.

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article