Écrits du bord du gouffre - Xavier Lainé

Publié le 2 Septembre 2021

Écrits du bord du gouffre

 

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« Nous sommes sous la menace de deux barbaries associées. Humaine tout d’abord, qui vient du fond de l’histoire et qui n’a jamais été liquidée : le camp américain de Guantánamo ou lexpulsion d’enfants et de parents que l’on sépare, ça se passe aujourdhui ! Cette barbarie-là est fondée sur le mépris humain. Et puis la seconde, froide et glacée, fondée sur le calcul et le profit. Ces deux barbaries sont alliées et nous sommes contraints de résister sur ces deux fronts. » Edgar Morin

 

« Nous sommes un pays désemparé qui flotte,

Sans boussole, sans mâts, sans ancre, sans pilote,

Sans guide, à la dérive, au gré du vent hautain,

Dans l’ondulation obscure du destin ;

L’abîme, où nous roulons comme une sombre sphère,

Murmure, comme s’il cherchait ce qu’il va faire

De ce radeau chargé de pâles matelots ;

Délibération orageuse des flots. » Victor Hugo

 

Préambule

 

C’est un peu comme devant un tsunami.

La faune est partie depuis longtemps, les touristes demeurent.

Ils regardent arriver la vague.

Ils la prennent en photo.

Ailleurs, plus tard, on se lamente de leur disparition.

 

Ici on savait que ça allait venir.

On ne savait pas très bien comment, ni d’où.

Mais ça devait venir.

Alors on n’a rien fait.

On a attendu.

On n’a pas été déçus.

 

Confinement 1

 

On me dit de la fermer.

Heu, non, on me dit de fermer mon cabinet.

On me dit d’aller faire des visites à domicile, sans masques, ni blouses, ni gants.

Alors je refuse et, la nuit, j’imagine le pire.

Le jour, je joins chaque patient, un par un, pour les soutenir.

Je leur confirme mon refus de cette fermeture imposée, quils peuvent venir quand ils le souhaitent.

Je maintiens le lien

 

Je découvre que les médecins ne peuvent pas soigner les malades.

Alors les malades restent chez eux sans traitement ou vont submerger des hôpitaux qui n’ont pas besoin de ça.

 

Déconfinement 1

 

On avait rêvé d’un monde d’après.

On a été servi.

Quelle précipitation vers le futile !

On me dit que les contaminations grimpent.

Je ne vois pas grand chose venir : il est étrange, ce sentiment que les choses se passent loin de chez moi !

Mais justifient qu’on saborde nos libertés les plus fondamentales.

 

Le secret médical nest plus un secret pour personne.

Peu à peu s’insinue l’idée que toute personne en bonne santé doit être suspecte.

Sur une application sans secret, on piste les « cas positifs ».

On cherche dans tous les trous de nez la preuve qu’aller bien est un leurre cachant mal la forêt des contaminations.

 

J’attends les deuxième puis troisième vague annoncées.

Seul dans mon cabinet, je cherche désespérément articles scientifiques et de réflexion pour encore rassurer, temporiser, ne pas laisser mes patients plier sous le joug des angoisses.

 

Confinement 2

 

Un drôle d’été est passé.

C’était comme si plus personne ne savait vraiment quoi faire.

Intelligences livrées aux vents mauvais des complots faciles.

Je tente encore d’y voir clair.

Un étrange automne, un bizarre hiver passent où toutes les attentions se portent sur les caprices de ce virus taquin.

Car il frappe, cette fois-ci, pas loin de chez moi.

Il frappe comme une grippe un peu plus sérieuse et je m’inquiète pour ceux qui sont touchés.

Mais, même sans traitement puisque toujours interdits, ils s’en remettent plutôt bien.

Ça me permet de relativiser la crise.

Il m'apparaît que le virus a bon dos tandis que celui de mes patients s’affaisse sous le poids des incertitudes, des mesures et des contre-mesures, des décrets toujours plus insistant à contraindre toute forme de vie sociale et affective.

On nous enferme sans nous enfermer.

On couvre les feux avec tout plein de dérogations.

Plus personne ne sait très bien.

Ce qu’on sait, puisqu’ils le disent, c’est qu’une quatrième vague se prépare.

Je voudrais bien le croire, vu de mon cabinet toujours indemne.

Je sens bien qu’en fait, ils ont beau avoir un cerveau algorithmique fendu aux calculs égoïstes les plus virtuoses, ils ne savent plus très bien quoi inventer pour que les gens aillent toujours plus mal.

 

Je sens venir bientôt que, applaudi hier, je ne vais pas tarder à être montré du doigt.

Je ne sais pas comment, mais je le sens assez bien : les héros dun jour, livrés aux calculs sans âme, seront bien vite déboulonnés.

J’observe la courbe des dividendes des acteurs du CAC 40 : pour eux tout va bien merci, ils sont plus riches que jamais.

Autour de moi, la misère s’étend, les visages, au-dessus des masques se crispent.

L’agressivité se répand.

J’observe que les dommages psychologiques ne vont pas tarder à être pire que la maladie elle-même.

Phase ultime

 

La médecine du désastre, comme le capitalisme qui la soutient et la subventionne pour le plus grand plaisir des actionnaires, arrive à ses fins.

On a beau manifester, pleurer sur le triste sort de défunte démocratie, les « mandarins » du « conseil de défense » soufflent un vent nauséabond.

Je cherche désespérément, puisque, chaque jour, on me pose des questions, à en savoir plus sur les « vaccins ».

Je cherche. Ce que je trouve n’est pas toujours vraiment rassurant.

Ça vient de l’Europe et de partout : essais en phase 3.

C’est à dire que ceux qui s’y adonnent sont les cobayes incertains d’un traitement hasardeux.

Mais qu’à cela ne tienne, les dieux du conseil de défense en savent plus que tout les scientifiques réunis.

Ils conseillent le roi des dieux et celui-ci sonne l’hallali.

 

Comme prévu les soignants sont en première ligne comme avant, mais cette fois-ci pour être cloués au pilori de la quatrième vague.

Je continue tant bien que mal à tenter d’expliquer, rassurer.

Je dis n’être ni pour, ni contre. Ça rentre par une oreille et ça sort par l’autre.

J’expose mes doutes et chacun fait comme il veut.

Ça ne va pas durer.

En défunte démocratie, le doute n’a pas droit de cité, l’opposition non plus.

Je cherche les voix discordantes.

Sous les ors de moribonde République, elles n’ont pas droit de cité.

Il faut creuser profond pour rester serein et entendre « paroles contraires ».

 

Dans les rues ça gueule, parfois n’importe comment, mais ça monte et ça grandit chaque semaine.

Du jamais vu en période estivale, même ici, sous un soleil de plomb.

Ça gueule.

Les menaces se précisent.

Si je n’obtempère pas, ce sera l’interdiction d’exercice.

Ça devient dur de rassurer les patients sous la menace de ne plus pouvoir les recevoir.

Dans mes cauchemars je les vois abandonnés à leur sort et ne trouvant plus personne pour les aider.

Je me vois devant les ruines de ma vie, contraint avec famille qui ne demandait rien, à vider ma maison, mon antre de livres et d’écrits.

Car qui dit interdit professionnel dit aussi plus aucun revenu, rien, nada, le vide absolu, à un an et demi d’une retraite de misère.

On me souffle de déroger aux principes de déontologie : pousser mes patients à plonger dans ce délire vaccinal.

Ne plus les soigner pour augmenter la pression, les tester et les vacciner à tour de bras même si ce n’est pas mon rôle.

 

Voilà.

Je ne sortais pas souvent.

Mes revenus s’amenuisant année après année, le champ de mes libertés s’était déjà singulièrement rétréci.

Mais quand même, de temps en temps, une petite bière en terrasse, ça n’était pas de la plus grande importance, ni la preuve de la plus grande liberté, mais quand même !

 

Voilà.

Je boycotte les terrasses et les lieux publics.

Je me sentirais souillé de devoir décliner ma non vaccination à des garçons de café, des flics de passage que ça ne regarde pas.

Ils veulent que ma santé s’étale aux devantures comme une marchandise.

C’est donc le fier résultat de cette médecine du désastre : faire de notre santé une marchandise.

 

La porte est ouverte vers le pire.

Derrière la porte entrouverte, un gouffre nous attend d’où le vivant sortira irrémédiablement blessé.

Où l’humanité gît, souffre en silence, sans que médecine ni gouvernement ne s’en préoccupent, c’est enfer qui vient.

Je vous vois avancer vers ce précipice.

Je tends encore la main, sans chercher le moindre gain.

Je ne suis pas soignant pour un chiffre d’affaire, mais pour vous aider à cheminer vers du mieux vivre, et avec vous éviter les pièges que nous tendent les déjà post-humains en leurs savants algorithmes.

Je passe devant les terrasses où, désormais peu nombreux, vous riez dans une illusion de liberté.

Même pas mal.

Juste amer.

 

Je n’aurais jamais cru que nous en arriverions à cette déchéance là.

Je passe.

Vous ne me voyez pas mais je passe.

Puis j’écris des choses que vous ne lirez pas ou si peu.

Je suis à mille lieux de ce monde où dominerait l’inhumain.

 

Xavier Lainé, écrivain et kinésithérapeute.

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